Alors à l’arrêt des règles ? Tout va bien ? Envolée la stigmatisation ? Les femmes sont « Libérées, délivrées… » ? Eh bien NON ! Il n’en est rien ! Et je dirais même que c’est encore pire puisque la ménopause dans nos pays occidentaux est au mieux : une maladie, la bascule dans la vieillesse, l’arrêt de la sexualité et du désir, le début de la fin et au pire un objet de dégoût, un repoussoir ou encore l’insulte suprême du style : « Va donc, hé ! Espèce de ménopausée !!! »…
Comme le dit Catherine, mon personnage dans ma pièce Je suis Top, en parlant de son patron qui n’a pas supporté d’être contredit et qui lui balance un « ça va pas non ? Vous avez vos règles ou quoi ? » : « Hé oui, il y a des hommes comme ça ! Si vous n’êtes pas d’accord avec eux, avant 40 ans c’est les règles, après c’est la ménopause ! De toute façon quoi qu’on fasse c’est HOR-MO-NAL !!! »
Et dans le monde entier c’est pareil ?… Eh non, c’est une spécificité de l’Occident où la ménopause est souvent associée à un moment difficile et problématique. Car dans les pays Asiatiques par exemple les effets de la ménopause ne sont pas observés ou très peu ! Au point qu’il n’y ait aucun mot pour la décrire… Jusqu’au Japon où même le mot ménopause n’existe pas !!!
Les Chinoises à l’arrêt de la fertilité bénéficient d’un nouveau statut social, on leur confère sagesse et maturité, dans certains pays africains les femmes âgées obtiennent respect et reconnaissance et leurs avis sont recherchés, chez les Indiens d’Amérique la femme ménopausée devient quasiment l’égale de l’homme et une femme puissante qui peut prétendre au pouvoir et à devenir cheffe.
Pendant ce temps sous nos latitudes les femmes de 50 ans sont dévalorisées, dénigrées, gommées. Et pourtant d’après les chiffres de l’INSEE : « Aujourd’hui en France une femme majeure sur deux à plus de 50 ans » et c’est tout le sens de notre combat à l’association dont je fais partie : L’AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans initiée par Marina Tomé, car : « à partir de 50 ans les femmes développent un super pouvoir : Elles deviennent invisibles ! Surtout à l’écran ! » Or nous sommes dans une société de l’image, où qui n’est pas représenté n’existe pas…
Comment les jeunes filles peuvent-elles se construire si elles savent qu’à partir de 50 ans elles ne seront plus rien ou presque ? Comment les femmes peuvent-elles ne pas redouter ce passage puisqu’il est décrit et appréhendé par une bonne partie du corps médical comme une maladie ? Comment expliquer que dans certains pays les femmes n’éprouvent aucun symptôme ou presque alors que chez nous elles subissent une cohorte de maux plus ou moins gênants ou invalidants ?
Eh bien comme l’ont dit Gannon et Stevens en 1998 : « Des chercheurs ont trouvé que les attitudes, les croyances et les attentes sont de bons prédicteurs [sic] de la détresse lors de la ménopause : des attitudes négatives avant la ménopause étaient associées à des expériences négatives lors de la ménopause tandis que des attitudes positives étaient associées à des expériences positives. »
Les idées reçues, les stéréotypes, le sexisme, les normes sociales et les attentes vis-à-vis des femmes, peuvent les formater et les influencer…
Je peux d’autant en parler que j’ai vécu moi-même l’expérience suivante. Une proche parente a été ménopausée plusieurs années trop tôt par un grand ponte gynécologue qui du haut de sa superbe avait décidé qu’il était temps à 48 ans de marquer le coup d’arrêt !!! Il l’a mise sous traitement substitutif et pendant de longs mois elle a souffert d’hémorragies inopinées et abondantes et de beaucoup de désagréments. Voyant cela le « grand homme » a trouvé une solution et a proposé de lui faire : « Une totale ! Comme ça vous serez tranquille » ! Ce qu’elle n’a pas fait heureusement… J’étais jeune alors mais cela m’a marqué et je me suis juré que lorsque le temps de la ménopause serait là je ne prendrai rien, qu’il ne se passerait rien, que ce serait un non événement… Ce temps est arrivé… Je prenais la pilule et puis là j’ai arrêté et le mois suivant je n’avais plus de règles… Nada… J’ai entamé ce jour-là une danse de la joie ! Moi qui avais toute ma vie eu des règles douloureuses, jonglant avec l’emploi du temps du style « Ah non je ne pourrai pas me baigner mercredi c’est mon premier jour… » Oui car même sous pilule, j’avais chaque mois l’impression d’avoir pris l’autobus dans le ventre… Et les mois suivants toujours rien… Chic ! Chic ! Chic ! Danse ! Danse ! Danse ! Joie ! Joie ! Joie !… Pas de traitements et pas de signes particuliers…
Bien évidemment je ne nie pas que nombre de femmes peuvent éprouver des symptômes réels, des troubles parfois graves et loin de moi l’idée de les culpabiliser et de les stigmatiser, je dis juste que pour moi ça s’est passé comme ça… Peut-être ai-je tout simplement eu la chance de faire partie des 20% de françaises qui ne ressentent rien de spécial à la ménopause ou peut-être que mes pensées ont façonné cette tournure positive à ce moment…
En conclusion je vous recommande vivement de lire l’excellent ouvrage La Fabrique de la Ménopause de la sociologue Cécile Charlap qui « offre un point de vue original de ce phénomène naturel, en l’abordant sous l’angle sociétal, qui démontre que la ménopause est une construction sociale et que celle-ci présentée comme un effondrement général est une conception occidentale récente ».
Blandine Métayer
Actrice et Autrice. A écrit et interprète entre autres :
. Je suis Top, un seule en scène qui raconte le parcours d’une femme tant sur le plan professionnel que privé pour parvenir au sommet de sa carrière.
. Les Survivantes, pièce qu’elle a co-écrite avec Isabelle Linnartz d’après des témoignages recueillis par le Mouvement du Nid, jouée du 3 mars au 5 avril 2020 au Théâtre 13 jardin.
Publications : Roman Graphique Je suis Top aux Editions Delcourt (Prix des Lycéens 2017) ; Les Perles du Sexisme (Fortuna Editions, 2017).
Chaque mois, nous donnons carte blanche à une personnalité libre d’exprimer son “Coup de Sang” autour des règles, de la précarité, des tabous ou d’autres sujets d’indignation. Les propos exprimés sont ceux de leur auteur·rice.