Le Coup de Sang de Feminists in the City

le 06.12.2020

RACONTER DES HISTOIRES FÉMINISTES

L’hymne des femmes, l’emblème du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) débute ainsi : « Nous qui sommes sans passé, les femmes, Nous qui n’avons pas d’histoire ».

Les femmes sont les grandes oubliées de l’Histoire : leur place, leur rôle dans les événements historiques ont été minimisés, dévalorisés, voire purement et simplement effacés.

Ce constat est à la source de nos actions chez Feminists in the City. Depuis mars 2018, nous avons créé 13 visites engagées à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux, proposant une redécouverte insolite de l’espace urbain, sous le prisme du féminisme. Cette année, nous avons également organisé plus de soixante Masterclasses et Ateliers en ligne.

Aux côtés d’expert·es et passionné·es, nous faisons vivre l’histoire des révoltées, des sorcières, des féministes à travers le monde, de toutes les femmes qui ont lutté et continuent de lutter pour leurs droits. Nous avons à cœur de leur donner une voix et de perpétuer leur héritage et leurs combats à travers les générations. Et comme l’a dit l’historienne Michelle Perrot en 2018, lors d’une interview dans Libération : « Faire l’histoire des femmes, c’est contribuer à sortir les femmes des silences de leur histoire et, du même coup, leur donner les instruments intellectuels pour penser leur domination ».

Début décembre, nous avons décidé de mettre en lumière une histoire intrinsèquement liée à celle des femmes : l’histoire des menstruations ou, plus précisément, du tabou qui les entoure. Pour cela, nous avons invité Élise Thiébaut, autrice de Ceci est mon sang, à animer une Masterclass en ligne.

Si son essai est un incontournable, c’est d’abord le sous-titre de celui-ci, « Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font », qui nous a interpellées. Même si les femmes sont les premières concernées par les menstruations, les récits qui les entourent ne leur appartiennent pas : ils ont été façonnés, à travers les siècles, par les civilisations, les religions, les études, les mythes et les légendes. Il est donc grand temps pour les femmes de reprendre le pouvoir sur cette histoire, de la dire telle quelle est, sans tabou.

Et ce mouvement s’active. Ces dernières années, des femmes ont osé briser les codes, en partageant leur expérience des menstruations, en la rendant visible, en mettant sur le devant de la scène des sujets dont on ne parlait avant qu’à voix basse, de l’endométriose à la précarité menstruelle, en passant par l’impact environnemental des protections périodiques. En racontant ces histoires, leur histoire, elles ont porté la voix de millions de femmes. Celles qui se croyaient seules, isolées, dans leur douleur, leur inconfort, leur honte, et ce chaque mois pendant des dizaines années, ont réalisé qu’elles partageaient cette expérience avec d’autres. L’hymne des femmes ne se trompait pas : « Seules dans notre malheur, les femmes, L’une de l’autre ignorée, Ils nous ont divisées, les femmes, Et de nos sœurs séparées. » En entourant les menstruations de tabous, en invisibilisant le sang menstruel, en minimisant les douleurs y étant associées, on a fait croire aux femmes qu’elles devaient garder cette expérience pour elles, les privant d’échanges potentiellement formateurs sur ce sujet.

Si la parole autour des règles est une source de libération pour de nombreuses femmes, elle est aussi salvatrice pour d’autres. D’abord, si aujourd’hui, en France, il s’écoule en moyenne 7 ans entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic de l’endométriose, l’action des associations et des personnes concernées pourrait raccourcir drastiquement ce délai. Ensuite, des associations comme Règles Élémentaires ouvrent une discussion sur une réalité tue pendant beaucoup trop longtemps : le simple fait que les protections périodiques ont un coût élevé, auquel de nombreuses personnes, en France et dans le monde, ne peuvent pas faire face. Aussi, des entreprises engagées s’activent pour proposer des alternatives aux serviettes et tampons plus respectueuses de l’environnement et des corps des femmes, des culottes menstruelles aux cups réutilisables.

Être témoin de la libération de la parole sur les réseaux sociaux, de l’apparition de boîtes à protections hygiéniques dans les universités, les salles de sport, les bars, de l’évolution de la publicité, est très puissant : cela nous fait prendre conscience de l’impact que les histoires peuvent avoir, si elles sont partagées. « Reconnaissons-nous, les femmes, Parlons-nous, regardons-nous, Ensemble, on nous opprime, les femmes, Ensemble, Révoltons-nous ! », disait le dernier couplet de l’Hymne des femmes. En toute sororité, aidons-nous les unes les autres à vivre, au mieux, nos règles !

C’est pour cette raison que nous avons décidé d’organiser un atelier en ligne avec Clara, fondatrice du compte Instagram @coupdesang, grâce auquel elle offre un espace de parole, sans jugement ni tabou, au sujet des règles. Lors de cet Atelier, nous discuterons des solutions pour adoucir les douleurs menstruelles, partagerons des expériences et des conseils pour vivre au mieux ce moment, qui n’est franchement pas le plus agréable du mois !

Ainsi, à notre manière, nous cherchons à participer à cette libération de la parole, dans un objectif de sororité - car il n’y a pas d’âge ou de moment pour reprendre le pouvoir sur son corps et sur son histoire.


Cécile Fara et Julie Marangé



Cécile Fara et Julie Marangé sont diplômées de Sciences Po Paris. Elles ont créé Feminists in the City, une entreprise engagée pour l’égalité femmes-hommes, pendant leur Master. Questionner la place des femmes dans l’histoire et la culture, transformer les regards sur la ville et la société : telle est la mission de Feminists in the City ! A travers leurs visites guidées à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux, des Masterclasses animées par des intervenant·es expert·es et passionné·es et une offre de sensibilisation pour les entreprises, elles offrent une approche innovante, ludique et instructive à l’égalité femmes-hommes.



Chaque mois, nous donnons carte blanche à une personnalité libre d’exprimer son “Coup de Sang” autour des règles, de la précarité, des tabous ou d’autres sujets d’indignation. Les propos exprimés sont ceux de leur auteur·rice.



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